« L’Etat démocratique républicain : la problématique de sa construction au Mali ». Tel est le titre de l’ouvrage écrit par l’ancien Premier ministre, Me Abdoulaye Sékou Sow. Le document -un véritable chef-d’oeuvre- a été présenté au public la semaine dernière, au cours d’une cérémonie qui s’est déroulée à la Maison de la Presse.
Aux côtés de l’auteur de l’ouvrage, on notait la présence du président de l’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH), Me Bréhima Koné, et du Chargé de cours à la Faculté de Droit et non moins président de la Ligue Internationale des Droits de l’Homme (LIDH), Me Amadou Tiéoulé Diarra.
Plusieurs hautes personnalités ont fait le déplacement à la Maison de la Presse, pour assister à la présentation de ce chef-d’oeuvre que « le Doyen » (comme on aime à l’appeler) vient de mettre à la disposition des lecteurs maliens et d’ailleurs.
Le maître et son œuvre
Comme on le sait, MeAbdoulaye Sékou Sow n’est plus à présenter au Mali où il a occupé de hautes fonctions. Ancien Premier ministre sous Alpha et ancien membre de la Cour Constitutionnelle, celui qui, de nos jours, officie en qualité de Notaire a effectué un parcours politique et une vie associative très riche.
Acteur du mouvement démocratique qui fut à la base de la chute du régime dictatorial, Me Abdoulaye Sékou Sow est membre fondateur de l’Adéma-PASJ. A l’heure actuelle, il est le président d’honneur de l’Association CRI 2002 dont il a été le président, par le passé.
L’ouvrage « L’Etat démocratique républicain : la problématique de sa construction au Mali » tente de prendre la mesure de la problématique de la construction de l’Etat post-indépendance au Mali, un pays qui, depuis le moyen âge, a connu une histoire tourmentée, marquée par de graves ruptures.
Pour l’auteur de l’ouvrage, il s’agissait donc de faire l’état des lieux des régimes politiques qui se sont succédés dans le pays et d’adopter un schéma. Aussi, l’ouvrge évoque le rejet de l’ordre colonial, en passant par l’instauration de monocraties multiformes : régime socialiste du Président Modibo Keïta renversé par une junte militaire (22 Septembre 1960-19 Novembre 1968) ; Etat militaire dénommé Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN) ; et Parti-Etat (UDPM) qui deviendra une autocratie au profit du Général Moussa Traoré.
Confrontés aux pires difficultés économiques, sociales, politiques et ethniques, le système autocratique sera renversé à son tour par une insurrection populaire au prix de nombreuses pertes en vies humaines, après avoir mis le pays sous perfusion internationale et étrangère. Ainsi, on peut constater que tous les régimes à caractère autoritaire furent défaillants : ils étaient l’expression des premières tentatives de construction de l’Etat post-colonial.
La période démocratique qui s’instaure ainsi se donne comme objectif l’édification d’un Etat nouveau démocratique et républicain, sur la base de la mystique du changement forgée par l’imaginaire populaire et la Révolution du 26 Mars 1991, à savoir : « An té korolén fè fo kura ! Kokajè ! » (On ne veut plus de l’ancien, on veut du neuf ! Laver propre !).
Mais la Transition démocratique organisa une Conférence Nationale qui avait justement pour mission de bâtir le nouvel Etat à caractère pluraliste, caractérisé par son ancrage dans la culture malienne et africaine. Cependant, la Constitution du 25 Février 1992 ne sera qu’une copie de celle de 1958 de la France. La décentralisation, qui devait être le socle de l’Etat nouveau, ne fera pas non plus preuve d’originalité et peinera à s’appliquer, en raison de nombreuses difficultés dont le grave problème du transfert concomitant des compétences et des ressources.
Mais l’adoption du modèle français ne tardera pas à se montrer non seulement inadapté, mais aussi être source de crises, notamment électorales. La décision des deux premiers Présidents, de la classe politique et de la société civile visant à soumettre à la réflexion tous les textes fondamentaux (Constitution, Charte des Partis politiques, Loi électorale, Statuts des Partis politiques) montre à suffisance que l’Etat issu de la Conférence Nationale n’a pas non plus échappé aux défaillances liées à l’inadaptation du modèle (de démocratie libérale) adopté avec, comme conséquence, le règne du pragmatisme politique.
L’on connut alors le parti dominant à la faveur du mode de scrutin majoritaire, véritable parti unique vêtu du boubou démocratique, et le reniement généralisé des convictions des partis politiques, négation de toute opposition viable et aggravation des maux comme clientélisme, népotisme, affairisme…
Que faire?
Ne peut-on pas alors constater qu’il y a là une ambition manquée de la Conférence Nationale, une ambition qui appelait l’innovation, la créativité, l’autochtonisation…? Alors se pose la question : que faire ? Faut-il recourir aux Droits de l’Homme ?
C’est ce que semble suggérer le constituant malien qui évoque abondamment les droits et libertés, mais aussi les constitutionnalise. Mais là aussi, l’analyse montre de nombreuses défaillances et des violations dans les systèmes de protection et de promotion des Droits de l’Homme.
Cependant, il apparaît que par delà la démocratie formelle et institutionnelle établie, le retour aux Droits de l’Homme et à l’Etat de droit semble être une des conditions sine qua non de la remise du pouvoir au peuple, de la récupération par le peuple de sa souveraineté.
En d’autres termes, il s’agit de restaurer ce qu’on a appelé le « demos », c’est-à-dire « le pouvoir démocratique » , ou « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
La construction d’un Etat démocratique républicain semble ainsi dépendre de l’institution d’un Etat de droit rigoureux, fondé sur une justice forte et propre. Mais c’est là une autre question certes difficile, mais pas irréalisable. Tout dépend de la volonté politique des citoyens et de l’engagement sincère et loyal de l’élite nationale. Telle est la conviction de Me Abdoulaye Sékou Sow, auteur de cet ouvrage publié chez Grandvaux.
Laya DIARRA