Mais que se passe-t-il donc au sein du Mouvement Citoyen pour qu’on assiste aujourd’hui à une telle léthargie dans ses rangs ? La question mérite bien d’être posée, au regard de la passivité par laquelle s’illustre l’actuel président du CENA du Mouvement Citoyen (M.C.).
En effet, nombreux sont ceux qui, de nos jours, s’interrogent sur le mutisme de M. Ahmed Diane Séméga. Celui que des militants de certains partis taxent de « troubadour politique » serait-il en panne d’inspiration? Ou peut-être déchanterait-il déjà pour avoir « éjecté » l’ancien président du Mouvement, M. Djibril Tangara, qui ne semble pas, du reste, le lui avoir pardonné?
Il suffit de faire une rétrospective sur les évènements qui ont permis à l’ex-Directeur du Trésor de Sikasso de faire son entrée dans le Mouvement Citoyen et finalement, de tout accaparer, dit-on, au grand dam des vrais architectes dudit Mouvement.
Au commencement, c’est Kolondiéba qui avait été choisi pour le lancement du Mouvement Citoyen. Mais, pour des raisons politiques liées à la personne même de celui au nom duquel le Mouvement vu le jour, l’honneur était finalement revenu à Sikasso d’abriter la cérémonie de lancement.
Djibril Tangara, alors connu pour son dévouement à la cause de l’ancien Président de la Transition, est contacté en vue de coordonner les activités du M.C.. Avec ce titre, l’homme en profitera alors pour doubler tout le monde et se hisser à la tête de l’Association politique.
Le vin étant tiré, il fallait le boire. Et c’est ce qu’ont fait les autres qui, pourtant, s’estimaient plus légitimes que Djibril Tangara pour présider aux destinées du Mouvement Citoyen.
Mais ces derniers allaient vite perdre plus tard leurs illusions, car une fois en bonne posture -puisqu’il sera nommé ministre après l’élection du Président ATT en 2002-, Djibril Tangara, qui devait sûrement avoir peur d’eux, les écartera tour à tour du M.C. pour y rester seul maître à bord. Tout devait donc marcher, au sein du Mouvement Citoyen, selon le vouloir et les humeurs de Tangara, disait-on à l’époque.
Ceux qui ne l’avaient pas compris, ou avaient osé outrepasser les lignes prescrites par ce maître incontesté du M.C. de l’époque avaient fait les frais de leur audace. Les initiateurs du Parti Citoyen pour le Renouveau (PCR) sont de ceux-là, sans compter les nombreux anonymes -et non moins importants- qui étaient vraiment engagés dans le combat du Mouvement. Ces derniers ont tous fini par emprunter une autre direction pour incompatibilité d’humeur avec Djibril Tangara.
Toujours est-il que le M.C., sous la conduite de Djibril Tangara, a su pleinement jouer son rôle, voire un peu plus d’ailleurs, puisqu’il avait finalement été perçu comme la « bête noire » des partis politiques. En effet, autant les partis politiques accusaient le Mouvement Citoyen d’être la source de leurs malheurs, par le débauchage de leurs cadres et militants, autant la présence de Djibril Tangara à la t^te du M.C. faisait enrager bien des acteurs politiques.
Comment couper la tête de cet « hydre de mer » (car c’est ainsi qu’ils qualifiaient le M.C.) qui risquait bien de fausser le jeu politique ? La question n’aura de réponse que lorsque les plus avisés d’entre-eux décideront de s’ériger en bloc derrière le Président de la République, Amadou Toumani Touré, pour d’abord soutenir sa candidature pour un second mandat, et ensuite, l’accompagner tout au long de ce mandat.
Ainsi, autant les affaires commenceront à se gâter pour le M.C., autant le Président ATT se trouvera dans une passe difficile, sinon un dilemme. En effet, comment ménager à la fois et le M.C., et l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP), sans faire des mécontents? Mais avec son flair habituel, son sens de la mesure et sa capacité de discernement, ATT réussira à tirer son épingle du jeu. Mais le Mouvement Citoyen, non !
En effet, au delà du coup porté par les partis de l’ADP, l’alliance politique ruminait des querelles de clochets à l’interne, d’aucuns ayant tout simplement décidé de « régler ses comptes » politiques à Djibril Tangara. Une tâche que ce dernier lui-même contribuera à faciliter pour ses détracteurs, à travers une attitude jusque-là incompréhensible, voire complètement insensée : la création de la Force Citoyenne pour la Démocratie (FCD).
Qu’est-ce qui avait bien pu pousser le pourfendeur du Parti Citoyen pour le Renouveau (PCR) à créer un parti politique ? Etait-ce par bravade ou par instinct de survie politiques? Dans ce cas, Djibril Tangara savait-il qu’il allait être évincé de son poste de président du CENA du Mouvement Citoyen ? Qui connaîtra un jour les motivations profondes de Djibril Tangara, dans la précipitation, voire la frénesie qui l’aména à créer la FCD ?
Le temps de la revenche ?
Ainsi, à la suite d’une assemblée tenue en secret, ceux qui ont tout mis en oeuvre pour faire tomber Djibril Tangara en disgrâce réussiront leur pari. Le « grand manitou » du Mouvement Citoyen venait ainsi d’être démystifié : l’inamovible Djibril Tangara est déposé et remplacé par Ahmed Diane Séméga, ministre de l’Equipement et des Transports.
Ce dernier avait réussi le pari de l’organisation d’une conférence des cadres d’un M.C. qu’on disait « trop riche en discours et en éloges envers le Président de la République et son PDES« . Et depuis lors, plus rien…
Aussi se demande-t-on si Ahmed Diane Séméga et son nouveau complice Ahmed Sow, ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau et non moins concepteur, sinon géniteur du PDES, sont en mesure de concilier leurs fonctions de ministres avec celles de leaders de l’association politique.
Mais alors, Djibril Tangara n’était-il pas ministre et président du M.C.?, rétorquent les détracteurs de Ahmed Diane Séméga sous la tutelle duquel le ministère des Mines aurait dilapidé 11 millions de FCFA en thé et en une seule journée, selon le rapport du Bureau du Vérificateur Général.
Pour ces détracteurs du Chef du département des Mines, le fond du problème est très simple : Ahmed Diane Séméga n’est pas en mesure d’insuffler une dynamique nouvelle au Mouvement Citoyen. D’après eux, on ne gère pas une association comme le M.C. avec de belles paroles, mais avec des actions concrètes et porteuses.
Est-ce parce que le Président de la République, ATT, ne va briguer un nouveau mandat (textes obligent) que les ardeurs se meurent au sein du Mouvement Citoyen, même si son président soutenait que l’association entend jouer toute sa partition, lors des prochaines joutes électorales?
Et si Ahmed Diane Séméga n’était vraiment pas l’homme « providentiel » pour la survie du Mouvement Citoyen ? Va-t-on alors finir par faire appel à Djibril Tangara ? Ou est ce dernier qui, comme il l’avait promis, viendrait « reprendre ce qui est à lui« , entendez le Mouvement Citoyen ? Attendons pour voir…
Adama S. DIALLO