Ce dimanche 4 Avril a consacré les cinquante ans de l’indépendance de la République du Sénégal. Pour marquer l’évènement d’une pierre blanche (pourrait-on dire), le Président Abdoulaye Wade a invité, le samedi 3 Avril, ses pairs africains et d’autres hautes personnalités, pour l’inauguration officielle d’un monument dit « de la Renaissance Africaine » et dont les cérémonies ont duré plus de quatre heures d’horloge.
En effet, pour « immortaliser » et le monument, et l’évènement, beaucoup de grands de ce monde ont été conviés, dont 19 Chefs d’Etat et de Gouvernement : entre autres, les Présidents ATT et son épouse, Lobbo Traoré ; Aly Bongo Onbimba du Gabon et son épouse ; Blaise Compaoré du Burkina Faso ; Thomas Yayi Boni du Bénin ; Helen Johnson Sirleaf du Libéria ; Yahya Jammeh de la Gambie ; Laurent Koudou Gbagbo de la Côte d’Ivoire ; Robert Mugabe du Zimbabwe ; l’ancien Président du Nigéria, Olesegun Obasanjo ; le Président du Malawi et non moins Président en exercice de l’Union Africaine, le Dr Binga Wa Muthamarika (récemment élu au grand dépit d’un certain… Moummar Kaddhafi) ; le Premier Ministre du Togo, Gilbert Ombo ; le Révérend américain, Jessie Jackson ; l’artiste chanteur sénégalo-américain, Akon ; les représentants de la Libye, du Maroc, de la Tunisie, de l’Arabie Saoudite, du Koweit, du Qatar, de la Corée…
Selon nos sources, certains pays des Emirats arabes ont beaucoup contribué (financièrement) à la réalisation du monument qui a coûté la bagatelle de… 13 milliards de FCFA. Ce qui, selon d’autres sources, peut s’expliquer par ce partenariat presque traditionnel qui existe entre eux et la confrérie religieuse de la ville de Touba, surtout depuis l’arrivée de Abdoulaye Wade aux affaires. Et quand on sait que ce dernier appartient à ladite confrérie…
Ce monument de la « Renaissance Africaine« , dont les travaux ont débuté depuis… le 15 Avril 2002, a été érigé sur une des collines du village de Ouakam, près de la capitale sénégalaise, et serait la plus haute du monde : 513 mètres ! Il aura donc fallu 8 ans sonnés pour voir ce monument tout en bronze inauguré ce 3 Avril. Et les connaisseurs estiment sa durée de vie à…1 200 ans !
Le monument est l’œuvre d’un panel d’architectes coréens, africains et d’ailleurs, qui était placé sous l’égide de l’architecte Pierre Goudiaby Atépa. Il représente trois personnages, en fait, un couple, torse nu, surgissant des entrailles d’un volcan éteint : l’homme, qui est coiffé d’un couvre-chef traditionnel, tient sa femme par la taille et porte, sur son épaule gauche, son enfant qui pointe l’horizon du doigt. Tous les trois ont le visage tourné vers l’Océan atlantique. Tout un symbole…
Le choix de la veille de la date d’indépendance du Sénégal (4 Avril) pour commémorer l’inauguration de ce monument n’est certes pas le fruit du hasard. Bien au contraire : ce choix a été mûri, prémédité, au regard même du faste et de la grandiloquence qui ont sous-tendu toutes les phases de l’évènement.
En effet, beaucoup d’illustres invités se sont succédés à la tribune, qui pour magnifier le monument, qui pour évoquer les efforts que les Africains doivent désormais déployer en vue du développement économique et social du continent : entre autres, l’ancien Président du Nigéria, Olesegun Obasanjo ; le Président malawite, le Dr. Binga Wa Muthamarika ; le Révérend américain, Jessie Jackson…
A la fin des allocutions, « l’hymne de la renaissance africaine » a été entonné par… 8 000 jeunes, accompagnés par les plus hautes personnalités présentes, avec les mains levées, les doigts formés en V, le signe de la Victoire. Après la cérémonie, les illustres hôtes seront conviés à un diner-gala à l’hôtel « Méridien Président« , après l’inauguration d’une exposition de grandes figures de l’émancipation africaine.
Il va sans dire que l’érection de ce monument s’est butée à la désapprobation des partis politiques de l’opposition et de certaines autorités religieuses. En effet, tandis que les uns fustigent la « mégalomanie » du Président Wade, tout en l’accusant de détournement de deniers publics et de mauvaise gouvernance, les autres assimilent tout simplement la construction de ce monument à de …l’idolâtrie. Dans tous les cas, 13 milliards de FCFA, ça aurait bien pu servir à d’autres choses plus utiles, surtout pour un pays « pauvre« .
Par exemple, ces milliards auraient pu être investis pour la réduction du chômage, pour la création d’emplois générateurs de revenus, ou pour toute autre activité réellement porteuse pour les citoyens. Mais d’aucuns « nationalistes » rétorqueront que l’édification de ce monument est une fierté pour le Sénégal et un honneur fait à l’Afrique. Dans tous les cas, on peut dire qu’avant de partir, Wade est enfin parvenu à réaliser un de ses vieux rèves : imprimer son empreinte indélébile dans le pages de l’histoire du Sénégal et de l’Afrique.
Mais s’il est vrai que rien n’est trop beau pour honorer l’indépendance d’un pays, même un monument de la « Renaissance africaine« , il est autant vrai que ces raisons ne sont guère suffisantes pour justifier ce que bien des Sénégalais ont qualifié de « dilapidation inutile de fonds publics« .
Oumar DIAWARA